Philippe Martinez (CGT) et Laurent Berger (CFDT) ont fait part lundi 29 mai au Premier ministre et à la ministre du Travail de leur conception du dialogue social et des instances représentatives du personnel. Le premier reste hostile à une fusion des IRP qui ouvrirait la voie "à des syndicalistes experts". Le second insiste pour inventer "une co-détermination à la française".
La consultation ou concertation, comme on voudra, se poursuit entre l'Exécutif et les partenaires sociaux au sujet de la future réforme du droit du travail. Après le Medef, FO et la CFE-CGC mercredi 24 mai, le Premier ministre et la ministre du Travail ont reçu ce lundi 29 mai à Matignon les chefs de file de la CGT, de la CFDT (voir ci-dessus les interviews vidéo de Laurent Berger et Philippe Martinez) mais aussi de l'U2P (professions libérales), de la CPME (petites et moyennes entreprises) et de la CFTC. Il reste difficile cependant d'y voir clair dans les projets du gouvernement. Celui-ci a-t-il déjà ficelé sa réforme du droit du travail et ne met-il en scène que de la concertation de pure forme afin surtout d'éviter d'exposer son projet avant les législatives des 11 et 18 juin, de peur de brusquer les électeurs de gauche ? Au contraire, l'Exécutif souhaite-t-il éviter les erreurs de la loi Travail et veut-il réellement construire un projet à partir des positions de toutes les parties ?

Nous en saurons peut-être un peu plus la semaine prochaine. En sortant de Matignon, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a dit hier que le gouvernement publierait la semaine prochaine "une lettre d'orientation ou une lettre de cadrage" listant les thèmes qui feront l'objet d'ordonnances et, si l'on comprend bien, d'une concertation avec les partenaires sociaux. La CFDT et la CGT réclament que la concertation se déroule jusqu'à fin septembre. "Se donner un mois supplémentaire, ce n'est quand même pas la fin du monde", a insisté Laurent Berger qui a remis à Matignon un document de 77 pages sur les propositions de sa confédération (lire notre encadré). "Un certain nombre de sujets peuvent être discutés concernant l'entreprise, à condition que les salariés et les organisations syndicales aient du temps pour discuter et échanger sur ces sujets", a dit Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Reste à savoir si le gouvernement, qui compte faire voter dès juillet une loi d'habilitation à légiférer par ordonnances, acceptera ce calendrier, ce qui signifierait multiplier les rendez-vous cet été avec les partenaires sociaux alors que les services du ministère du Travail seraient déjà en train de rédiger les ordonnances...
En attendant, de nouveaux rendez-vous bilatéraux sont calés dans les prochains jours entre les partenaires sociaux, et cette fois avec la seule ministre du Travail. "Nous allons rentrer dans le fonds : quels sujets doivent être renvoyés à la négociation de branche, à la négociation d'entreprise, quel doit être le niveau -nous voulons qu'il soit élevé- du code du travail supplétif qui s'appliquera en l'absence d'accord, etc. Tous ces sujets nécessitent de travailler ", a dit Laurent Berger, qui sera reçu jeudi à 7h du matin par Muriel Pénicaud. Laurent Berger a répété son refus de deux projets annoncés par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle : le plafonnement du barème prud'homal et un moratoire sur le compte pénibilité, car ce compte est "une mesure de justice sociale pour des gens qui meurent plus vite ou qui vieillissent plus mal parce qu'ils ont eu des conditions de travail pénibles". Le syndicaliste CFDT a également souhaité "une représentation du personnel qui soit plus forte" avec une codétermination à la française, "c'est à dire plus de poids pour les représentants de salariés dans les entreprises" (vire notre encadré).

A propos de représentation du personnel, Philippe Martinez a pour sa part redit son hostilité à une fusion des instances existantes : "Chaque IRP a ses prérogatives. Vouloir tout conjuguer dans la même instance revient à nier ces prérogatives, notamment en matière de conditions de travail. Nous refusons, à la CGT, d'avoir des syndicalistes experts. Chaque représentant a besoin de temps pour exercer son mandat et être aux côtés des salariés. Nous allons refaire des propositions". Le secrétaire général de la CGT a surtout demandé à la ministre du Travail de faire le bilan des conséquences, tant pour les salariés que pour la démocratie sociale, "des lois Macron, Rebsamen et El Khomri". Et Philippe Martinez, toujours hostile "à l'inversion de la hiérarchie des normes" car "nous avons besoin d'un socle commun à tous les salariés via la branche et le code du travail", de juger que le chantier de la négociation collective, "sur lequel nous n'avons pas aujourd'hui une vision très claire en France", doit "être réouvert". Enfin, à propos de la protection sociale, le secrétaire général de la CGT a considéré qu'elle souffrait d'abord "d'un défaut de recettes". Taxer les entreprises qui n'appliquent pas la loi en matière d'égalité salariale entre hommes et femmes permettrait, a-t-il suggéré, d'accroître ces recettes "pour ouvrir aux indépendants le droit à l'assurance chômage"...
La CFDT revendique une "codétermination à la française" et "un CHSCT renforcé et adapté" |
---|
La CFDT a remis au gouvernement un document de 77 pages présentant ses propositions sur des sujets aussi divers que la mondialisation, l'Europe sociale, la transition écologique, l'apprentissage, l'emploi et l'assurance chômage. La confédération réclame notamment que le compte personnel d'activité (CPA) soit enrichi de nouveaux droits avec un compte temps et un droit d'expérimentation pour les salariés avec "un droit au retour". La CFDT propose de "sécuriser le motif du licenciement économique par la négociation d'entreprise sur les PSE". Elle revendique également une négociation sur les rémunérations élargie, celle-ci devant "aussi bien porter sur le niveau des augmentations salariales que sur les modalités de répartition (structure de rémunération et répartition entre les différentes catégories de salariés). La rémunération des équipes dirigeantes doit être intégrée à ce cadre de négociation". La CFDT revendique également un CHSCT "renforcé et adapté (CHSCT de site, territoriaux) aux nouvelles formes de collectifs de travail et de lieux de travail". Surtout, le syndicat appelle de ses voeux une "codétermination à la française" pour la gouvernance des entreprises, via "un rôle renforcé des représentants des travailleurs pour peser sur la stratégie, notamment dans les comités d'entreprise et dans les conseils d'administration". "Les représentants des salariés doivent également pouvoir prendre davantage de place dans la détermination des conditions de travail et d'emploi", considère le syndicat qui revendique pour ce faire un renforcement des moyens, "notamment en terme de recours aux expertises (économiques, conditions de travail, accompagnement à la négociation)". Enfin, le syndicat reprend l'idée, également défendue par la CFE-CGC, de réfléchir à une nouvelle définition de l'objet social de l'entreprise, "avec un nouveau statut juridique de société qui reposerait sur l'inscription d'objectifs sociaux et/ou environnementaux au titre de l'objet social". |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.